Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Quoi que c’est ? qu’est-ce qu’il y a ? demandait-on de toutes parts.

— C’est ce poisson-là, reprit Michel, qui…

Mais il dut s’interrompre, car Gorin tombait sur lui à coups de poings. La lutte ne fut pas longue. Michel saisit Gorin parle cou, s’empara de ses deux mains, et sous son genou le plia jusqu’à terre. Alors il se mit à raconter l’histoire à ceux qui l’interrogeaient, y mêlant d’un air simple lardons et plaisanteries, que l’auditoire accueillait avec de grands éclats de rire. Il restait calme en apparence, bien qu’il élevât le ton de sa voix sonore au-dessus des vociférations de Gorin, des anathèmes perçants de Mlle Boc, et des admonestations de Gustave, d’Émile et de Sylvestre, qui n’osaient cependant employer la force pour délivrer le vaincu, parce que les paysans auraient pris la défense de Michel, et que c’eût été une collision complète. Il fallut même retenir le petit Jules qui, exalté par l’esprit de corps, lançait à Michel un grand coup de poing.

Lucie intervint à son tour : — Michel, dit-elle à demi-voix. Il se tourna aussitôt vers elle. Michel, soyez plus généreux.

— Pardon, mam’zelle Lucie, répondit-il ; mais si je le lâche, il va encore se jeter sur moi, et je voudrais pourtant pas être obligé de me battre tout à fait. Qui veut me garantir qu’il ne me touchera plus ? demanda-t-il en regardant Émile et Sylvestre.

— Michel, Michel, dirent encore l’une après l’autre deux autres voix. C’étaient Gène et une autre fille dont la vue sembla vivement frapper le jeune paysan.

— Si vous ne lâchez pas tout de suite M. Gorin, cria Émile, je vais chercher mon père.

— Je ne suis pas le domestique de votre père, m’sieur Émile, et quand même je le serais…

— Non, tu n’es pas mon domestique, dit M. Bourdon