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les deux prairies, Lisa s’arrêta, et, se tournant vers Jean, qui les suivait en silence, d’un air contraint et irrité :

— Reste là, toi, dit-elle ; bientôt je t’appellerai.

— Pourquoi ça ? fit-il rudement. Qu’est-ce que tu peux avoir à lui dire, à ce bourgeois-là ?

— Tais-toi, Jean, puisqu’il le faut, je te dis ; ne me contrarie pas, Jean, si c’est vrai que tu m’aimes.

Le pauvre garçon obéit. Lisa rejoignît alors Gavel et l’entraîna un peu plus loin, à quelque distance de la rivière, où, derrière les arbres, elle entendait retentir les chants et les rires de ses compagnes.

— Hâtez-vous, dit Gavel d’une voix tremblante de colère ; hâtez-vous de parler et de me laisser libre, ou, sur ma parole, je me débarrasse de vous en vous jetant dans l’eau.

— Ah ! je le veux, dit-elle en s’appuyant à lui ; tuez-moi, ça sera le mieux.

Il la repoussa durement.

— Vous êtes devenue folle ! Qu’y a-t-il ? Vous voulez me compromettre. Que doit penser là-bas cet homme qui nous voit ?

— Jean ne peut pas nous entendre, dit-elle, et Jean ne dira rien. Il m’aime plus que vous, lui, quand même il n’est point aimé.

— Enfin, qu’y a-t-il ? Votre père sait-il quelque chose ?

— Ne me dites pas vous comme ça, répondit-elle en pleurant. Ne soyez pas tant fâché, sans quoi le cœur me faut pour dire… Héla ! mon Dieu ! faut-il ? faut-il ?

— Voyons, parle, dit-il en se maîtrisant.

— Ah ! Fernand, je suis enceinte, ma sœur me l’a dit. Je suis une fille perdue ! Là, faut me cacher dans la terre !

Et elle se jeta sur l’herbe en poussant des cris étouffés, en se cachant le visage et en frappant convulsivement la terre de ses poings crispés. M. Gavel proféra une sourde