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ser ?… Allons donc ! fit-elle en se haussant les épaules à elle-même. Non, c’est impossible !

Elle n’était pas fâchée d’ailleurs de n’avoir pas de décision à prendre contre Michel. C’eût été d’abord très-embarrassant, puis… bien pénible. Lucie n’était pas gâtée par la tendresse ; Clarisse était assez froide pour sa sœur ; M. et Mme Bertin aimaient sincèrement leurs filles, mais sans le leur témoigner jamais. M. Bourdon était fort attentif pour sa nièce, mais ce n’était guère chez lui que galanterie, c’est-à-dire ce qu’il y a de moins affectueux dans le sentiment. Les impressions vives de l’amitié étaient même inconnues à Lucie. Elle ne put donc, au fond, s’empêcher d’être touchée du sentiment qu’elle inspirait à Michel.

Il venait de finir son ouvrage ; il raclait sa bêche et ses sabots, et tirant de sa poche un mouchoir à carreaux bleus et rouges, il s’essuya le front. Mlle Bertin haussa de nouveau les épaules et se dit : Quelle folie !

Mais comme elle quittait le bosquet, elle se trouva en face de Michel dans l’allée. Il avait sa bêche sur l’épaule et se retirait. Sa figure était si belle et si rayonnante qu’elle fit baisser les yeux à Lucie.

— Demain de bonne heure, dit-il, j’ensemencerai les derniers carrés, vous savez, mam’zelle Lucie, demain lundi de Pâques, c’est encore fête. Vous me donnerez des graines, j’apporterai du plant, et vous me direz ce que vous entendez faire.

— Merci, mais pour ce qui reste, je puis le faire moi-même.

— Oh ! mam’zelle Lucie, vous toute seule vous fatiguer à ça ! enfoncer vos petits pieds dans la terre fraîchement remuée et vous salir les mains ! non, non, je ne le veux point.

— Vous ne le voulez point ? répéta Lucie d’un ton irrité, qui attrista subitement le visage de Michel.