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Michel alors s’accouda sur la petite table et se pencha vers Lucie pour achever la phrase à voix basse.

— Demandez-moi, reprit-il, oh ! je vous en prie, quelque chose que je pourrais faire pour vous !

Elle s’était penchée aussi pour mieux l’entendre. La lumière qui était entre eux éclairait leurs yeux jusqu’au fond ; mais de ceux de Michel jaillissait une flamme qui n’était pas empruntée à sa clarté. Lucie se rejeta en arrière, un peu confuse et très-surprise d’éprouver vis-à-vis de ce jeune paysan de la timidité comme vis-à-vis d’un jeune homme.

— Ah ! dit Michel, en remarquant le titre du roman, Lucie ! votre nom ! Que ça doit être un beau livre !

Mlle Bertin ne sut que répondre ; elle était embarrassée et ne savait plus guère comment elle devait traiter Michel.

Trois jours après, c’était le dimanche des Rameaux, la fête de la verdure nouvelle. Tous les enfants de Chavagny, dès la veille, s’éparpillent sur les coteaux pour cueillir le buis en fleur, et reviennent par les chemins, chargés de ces rameaux verts qui doivent le lendemain, à la procession, changer la foule en forêt mouvante. Heureux parmi les enfants ceux qui pourront décorer leur rameau d’une fouace cornue, gâteau villageois orné de cornes ce dimanche-là seulement, reste, dit-on, d’un mythe païen. Rien de plus poétique et de plus beau que ces fêtes printanières, car elles reçoivent l’expansion du bonheur intime qui remplit les êtres au renouvellement de la nature. Dès l’aube, quand le carillon des cloches retentit, la voix intérieure de chacun répète : Fête ! Fête ! c’est un jour de fête ! Et le cœur palpite à l’unisson. Pour les paysans, ce jour des rameaux est si bien la fête du renouveau, de la verdure, que le buis auquel les rameaux sont empruntés n’est connu d’eux que sous le nom d’ho-