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on s’y doit conduire ? et pourquoi telle chose est ainsi, telle autre comme ça ? N’y a-t-il pas des choses qui vous tournent la tête à ne plus savoir de quel côté aller ? Oh ! oui, des fois ça me dévore, et si alors on m’offrait, — une supposition, — de faire un marché comme quoi je m’engagerais pour étudier, comme un soldat pour la guerre, eh ben ! ma foi, je donnerais toute ma vie pour rien…

— Ah ! vraiment ? Et vous ne pensez pas toujours ainsi ?

— Non, parce que voyez-vous… Mais à quoi ça sert-il de tant parler de moi ?

— Cela m’intéresse, dit naïvement la jeune fille.

— Est-ce possible, mam’zelle Lucie ? vous qui parlez d’habitude avec les gens bien appris.

— Je vous assure, Michel, qu’entre les bourgeois et les paysans la différence n’est pas tant dans les idées que dans le langage. Et pour les idées, j’aimerais presque mieux celles des paysans, parce qu’ils connaissent leur ignorance et qu’ils ont à cause de cela plus de bonne foi et de simplicité.

— Vrai ? dit Michel avec émotion ; puis en riant il ajouta : J’en sais quelques-uns de ben têtus.

— Comme il y a beaucoup de bourgeois sincères et simples, répliqua Lucie. Voyez-vous, Michel, je le disais bien, il est difficile de marquer la différence. Mais avec ceux que vous croyez si intelligents, on a rarement des conversations bien intéressantes ; et, par exemple, chez mon oncle Bourdon, presque jamais on ne parle de choses sérieuses, ou bien c’est d’un ton léger comme en se moquant.

— C’est drôle, dit Michel.

— Eh bien, reprit-elle, dites-moi pourquoi ce désir d’étudier n’est pas toujours le même en vous ?

— Puisque vous voulez le savoir, mam’zelle Lucie, ré-