Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore, meublées d’un lit à baldaquin, en serge, et tendues de vieilles tapisseries.

Pour la première fois, mon goût et celui de Mlle Édith se sont rencontrés. Hier, Blanche, me faisant visiter toute la maison, m’a conduit jusque dans la chambre de sa sœur, après s’être assurée que celle-ci n’y était pas. C’est à coup sûr une indiscrétion ; mais ma curiosité, je l’avoue, a été plus forte que ma réserve. Cette chambre, trop austère pour une jeune fille, convient à merveille à l’humeur d’Édith. Elle est tendue de tapisseries, belles, mais sombres, qui représentent un bois d’admirables chênes, où paissent quelques cerfs. La cheminée de marbre rougeâtre n’est garni que de livres et d’une glace trop haute pour que la coquetterie puisse y prendre ses aises. Les chaises sont de paille noire et jaune à médaillon sculpté ; il y a de plus deux fauteuils en tapisserie, une armoire en noyer sculpté, un grand bureau chargé de papiers et de livres, enfin, seul meuble moderne, un lit en palissandre à rideaux de mousseline blanche ; puis des rideaux semblables aux fenêtres. Tout cela compose un ensemble à la fois triste et gracieux et la vue de cette chambre m’a causé une émotion que je ne saurais comprendre ni définir. C’est comme si je l’avais habitée en rêve.

J’aurais voulu lire les titres de quelques livres ; mais mon charmant guide ne m’en laissa pas le temps, et m’entraîna.

— Vous craignez donc beaucoup votre sœur ? lui dis-je.

— Mais…, un peu.

— Pourquoi ?