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Comment voulez-vous que fassent des parents ? On ne peut cependant accorder rentrée de sa maison qu’à un fiancé.

— En sorte que l’engagement précède la connaissance. Est-ce logique ?

— Mon Dieu non ; mais que voulez-vous ? Il faut bien se conformer à l’usage.

— Assurément, d’autant mieux qu’on n’y court de risque autre que le malheur de sa vie. Mais l’usage en vaut bien la peine.

Comme nous discutions ainsi, M. et madame Plichon, avec Blanche, nous rejoignirent, et l’on s’arrangea bientôt pour nous laisser seuls, M. Plichon et moi.

M. Plichon est un homme de cinquante ans, de taille moyenne, frais, coloré, tournant à l’obésité, et qui doit avoir été blond dans sa jeunesse. Il a le visage ouvert, des yeux bleus saillants, le nez rond, la bouche moyenne, des favoris grisonnants, le menton rond, l’encolure solide. Tu vois que je te donne son signalement. Marques particulières : le goût des lieux communs, le culte des classiques, la foi en Voltaire et l’amour de Béranger.

Vieux Gaulois mordant, Français batailleur, républicain de 89, bourgeois de Louis-Philippe, mille contradictions vivent en lui dans la plus entière liberté. Ses opinions, il les a recueillies dans son berceau, dans son entourage, dans les livres qu’il a lus, dans le journal qu’il reçoit, et il les émet à l’occasion en phrases toutes faites, avec la même conviction et le même aplomb que si elles émanaient toutes armées de son cerveau ; mais il se laisse guider surtout, à ce qu’il me semble, par ses affec-