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— Permettez-moi, Madame, de garder le silence. Il est des délicatesses, des scrupules qui ne restent complets qu’en restant ignorés.

— Ah Monsieur, vous êtes sans pitié ! Mais songez donc à cette enfant que j’ai laissée mourante, dans les bras de sa mère. Elle est désespérée ! elle invoque la mort ! Elle vous aime ! vous êtes son premier amour ; elle avait mis en vous toute sa foi, tout son avenir. Si vous l’abandonnez, son bonheur est à jamais flétri. Ah ! combien je me reproche !… Mais je ne puis vous supposer une âme insensible, Monsieur. Vous parlez de délicatesses, de scrupules ! Faites-m’en juge. D’avance je suis sûre qu’ils ne méritent pas d’être mis en comparaison avec cet amour, cette confiance, toutes ces saintes choses que vous leur sacrifiez.

Elle avait raison, oh ! oui, elle avait raison ! mais mon amour-propre résistait. Si Blanche eût été là… il me répugnait de céder à Mlle Clotilde. Pourtant ces mots qu’elle avait prononcés : Je l’ai laissée mourante, m’étaient restés dans le cœur. M’aimait-elle à ce point ? Cette âme si jeune était-elle si passionnée ? si j’en étais sûr pensai-je. Et je pensai aussi que la tante Clotilde adore l’exagération.

— Je suis désolé… dis-je d’un air qui la congédiait.

— Non, vous ne l’êtes pas, s’écria-t-elle avec force, non ce n’est pas vrai ! Oh fâchez-vous ! je ne vous crois pas. Non, vous n’êtes pas désolé ; vous n’aimez pas ; un amour véritable ne cède pas aux obstacles, il lutte contre eux. Non, peu vous importe d’avoir brisé l’existence de