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dompta cependant sa souffrance et sa crainte, et, retirant sa main, elle reprit avec la dignité la plus vraie :

— Vous sentez aussi bien que moi. Monsieur, que je ne mérite pas ces insultes. Vous avez trompé la confiance de toute une famille, vous avez porté le désespoir dans une jeune âme qui ne demandait qu’à croire et qu’à aimer ; vous avez troublé en elle tous les sentiments vrais et purs. C’est moi qui par ma folle imprudence ai secondé vos coupables manœuvres ; voilà pourquoi je suis venue et pourquoi j’ai le droit de vous demander une explication et de chercher à pénétrer les motifs de cette étrange et inqualifiable conduite.

La tante Clotilde ne manque pas d’un certain talent oratoire ; mais elle a le défaut d’abuser de l’épithète, défaut grave en cette circonstance ; car mon sentiment critique, en l’écoutant, nuisit à mon émotion. Elle avait si parfaitement raison, cependant, et ma conscience, à qui elle faisait appel, était si bien de son avis, que j’abandonnai tout persiflage. Debout devant elle, plein d’embarras et de chagrin, je ne savais que lui répondre, et le coude appuyé sur la cheminée, je restais les yeux fixement attachés sur son bras blanc, qui, orné d’un bracelet d’émeraudes, gesticulait entre les flots de sa manche de dentelle. — Car elle avait encore sa toilette de soirée sous le long burnous noir dont elle s’était enveloppée pour venir chez moi.

— Mon intention, lui dis-je enfin, n’est pas de faire un plaidoyer pour ma justification. Peut-être, cependant, ne suis-je pas si coupable que vous voulez bien le croire. Peut-être ne suis-je pas le moins à plaindre dans tout