Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/354

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus en voluptueux, mais en créateurs, et cette joie est celle qui rapproche le plus l’homme de ses destinées futures et des êtres supérieurs. C’est que nous marchons, vois-tu, vers un idéal dont nous sommes certains, et que nous goûtons d’avance à chaque progrès qui l’amène. Le travail, selon qu’on l’accepte ou qu’on le repousse, est un bonheur ou une torture. C’est un bonheur pour nous.

Je me lève avec le jour, non pour surveiller mes domestiques ; ne travaillant point comme eux, cela me répugne et Leyrot suffit pour cela ; mais je parcours le domaine ; je vois en quel état se trouve chaque chose, ce qu’il faudrait faire, et souvent je le fais moi-même, quand il ne s’agit que d’un coup de main. Je visite les cours, les étables, trouvant toujours çà et là quelque chose à redresser, quelque soin à prendre. Je taille mes arbres, je cultive mes fleurs, j’ai ma part de la garde du bambino, qui vient avec moi le plus souvent, grimpé sur mon épaule. En cette saison, je vais fréquemment à la collation des gens, qu’ils font dans les champs ; je mange avec eux de leur pain, qui est excellent ; ils me donnent parfois des conseils utiles et de mon côté je les instruis en causant avec eux. Bien nourris, bien traités, mes domestiques ne me quittent guère. J’aurais voulu les rendre associés dans mes travaux ; mais je n’ai pas jusqu’à présent de base équitable ; comme ils ne peuvent participer aux pertes, toute rémunération, lors d’une belle récolte, n’est jamais qu’un surcroît de gages, ou un don que je leur fais.

Nous recevons trois journaux : un politique, un scientifique et un agricole. Nous achetons à mesure tous les