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cependant, il sacrifie souvent à ce but son devoir et sa conscience. »

« Dans les moments d’exaltation, où l’amant évoque, pour les jeter aux pieds de sa maîtresse, toutes les grandeurs et tous les devoirs, le livre m’échappe des mains et je me dis : Quoi ! tant pour si peu ! Et je ne puis savoir pourquoi il l’aime à ce point. Elle est belle ; il aspire à la posséder. On n’y voit guère autre chose.

« Dans les conversations, où l’on se permet tant d’allusions transparentes, l’amour est un plaisir dont les hommes rient, dont les femmes rougissent.

« Moi, je ne puis comprendre à la fois sa force et son abjection. Les hommes méprisent l’amour et ils se laissent gouverner par lui. Se méprisent-ils donc eux-mêmes ? »

Deuxième fragment : « Il faut, cependant, me rendre compte de cette colère et de cette douleur que j’éprouve quand on parle devant moi de l’amour, ou plutôt des rapports qu’ont entre eux sous ce nom l’homme et la femme.

« Il y a donc autre chose pour moi qui mériterait ce nom ?

« Oui, je l’ai senti plus d’une fois. J’ai rêvé plus d’une fois de l’avenir comme épouse et mère. Quand M. Rocheuil me parlait de son amour, une émotion vive et douce me serrait le cœur. J’ai pleuré amèrement quand je l’ai reconnu indigne, mais ce n’était pas lui que je pleurais. Je me rappelle l’impression que m’a causée l’histoire d’Abeilard et d’Héloïse. Cela n’est pas un roman ordinaire. J’ai compris la douleur de cette femme, et sa révolte contre une séparation, que lui impose la volonté