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— Viendriez-vous me faire visite ? dit-elle du même ton.

— Je craindrais trop de vous déplaire.

— Que vous avez donc un mauvais caractère, William ! entrez, et si quelqu’un de mes livres peut vous convenir… Je vous montrerai où j’en suis d’Axel et Valbor.

J’entrai, et le souvenir de l’impression que m’avait causée pour la première fois la vue de cette chambre me vint avec le retour de cette impression : c’est du respect et de l’attendrissement, c’est surtout… quelque chose d’inexplicable. L’aspect de cette chambre est si doux, si austère, si mystérieux ! Que de pensées, que de secrets dans cette âme concentrée, combien d’elle il y a là !

Elle se débarrassa de son châle et de sa frileuse et m’offrit un siége près du feu ; mais elle-même ne s’assit point ; je restai debout. Je parcourus ses livres, qui sont les poëtes et les philosophes que moi aussi je préfère, et je lui empruntai Byron pour avoir quelque chose d’elle. Œlenschlager était ouvert sur son bureau ; je lus sur son cahier de traduction ce qu’elle venait d’écrire. C’était l’impression d’un amour exalté jusqu’au dévouement, et il y avait dans ces lignes écrites de la main d’Édith une chaleur et un lyrisme qui m’émurent au dernier point. Traduire ainsi, avec une telle force et une telle clarté, n’est-ce pas penser soi-même ce qu’on écrit ? L’idée qu’elle avait compris et senti ces choses me causa une émotion telle que je dus m’asseoir et ne pus répondre à quelques mots qu’elle m’adressa. Elle éprouvait aussi, je crois, quelque embarras, car elle se