Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/275

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Deux larmes limpides, globes de cristal où le ciel se réfléchit, coulèrent sur ses joues. Je les recueillis de mes lèvres avec une adoration égale à celle de ces chrétiens, qui croient recevoir en eux la divinité. Des paroles passionnées échappèrent à mes lèvres. Édith se troubla.

— Cher frère, me dit-elle, en passant son bras sous le mien et en m’entraînant dans une allée, je ne mérite guère d’être aimée ; je n’ai vécu jusqu’ici que pour moi.

— Et vous avez eu raison, lui répondis-je plus froidement ; car j’avais peur de ses résolutions et sentais la nécessité de me remettre ; avant de pouvoir donner, ne faut-il pas que l’être soit constitué en lui-même complétement ? Vous vous êtes formée seule à force d’idéal, de justice et de noble orgueil.

— Mais j’ai dépassé le but, mon ami, oh ! je le sens bien. J’ai tout mesuré à ma règle sans pitié pour l’aveuglement ni pour la faiblesse. J’ai frappé ceux qui ne savaient pas marcher, pour les faire aller plus vite. Dans un autre genre, ma folie s’est trouvée pareille aux intolérances que je blâmais. Ne pouvant réformer le monde d’un coup, je me suis réfugiée comme les ermites d’autrefois dans un égoïste abri ; j’ai renié les miens ; je me proposais de passer ainsi ma vie en simple spectateur, sans mêler mon action à celle des autres.

— C’est-à-dire, m’écriai-je en tremblant de rage, que vous allez abaisser votre fierté jusqu’à descendre dans les bras d’un homme qui ne vous comprendra pas… afin… d’être mère… Eh bien…

Je sentis sur mon bras une ferme pression, et de cette voix claire dont un honnête homme prononce un serment :