Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/262

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’ai pu. C’est à dater de ce moment que j’ai découvert le profond antagonisme qui existe entre mes idées, mes besoins, mes volontés et ce que le monde nous offre. Et c’est depuis ce temps que je suis devenue silencieuse, froide en apparence ; car je ne le suis pas, en réalité, William.

— Je le sais ! je le sais ! répondis-je, en prenant sa main dans la mienne.

Je désirais ardemment sa confidence, mais n’osant le lui dire, toute mon attitude le lui disait. Elle garda le silence, hésitant encore sans doute. Intérieurement, je la suppliais, je trouvais que sa confiance m’était due et qu’elle m’eût fait une horrible injustice en ne me l’accordant pas. Toute la chaleur de ma volonté semblait avoir passé dans la paume de ma main qui touchait la sienne, comme pour se communiquer à elle ainsi.

— Je n’ai jamais raconté ces choses à personne, dit-elle enfin, et j’ai une telle habitude de renfermer en moi tous mes sentiments que j’éprouve à les dire une sorte de souffrance. N’en soyez pas blessé, William, puisque le besoin de vous ouvrir mon âme tout entière est encore plus fort que cette répugnance. Car je ne puis vous dire combien je suis heureuse de cette fraternité, que je découvre à chaque instant plus profonde entre vous et moi.

— Et moi, m’écriai-je, Édith, vous m’élevez à une hauteur, où je jouis d’une vie nouvelle, comme au sommet des montagnes, en respirant un air plus pur, on se sent plus fort et plus léger. Chère sœur bien-aimée, j’ai beaucoup rêvé, beaucoup désiré, et cependant je n’avais encore jamais compris un état de l’âme si sublime et si heureux.

Elle me regarda avec une tendresse, où se mêlait un