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primer. Il vaut mieux fuir ma pensée, l’apaiser peut-être.

À demain.

23 novembre.

Clotilde a raccommodé notre première brouille, comme elle dit. Le mot est de bon augure. Blanche était tout en larmes, la pauvre enfant ! Et moi aussi, je ne lui donne guère ce qu’elle désire. Elle voulait être comtesse, et je suis démocrate ; elle veut briller dans le monde, et je le déteste ; elle a besoin de luxe, je n’ai pas de fortune, et je refuse même de faire ce qu’il faut pour en acquérir. Elle a été bonne pourtant, et, en la voyant si douce et si malheureuse, en la pressant sur mon cœur, j’ai senti que les serments échangés, les baisers reçus, les souvenirs sacrés d’un amour, même irréfléchi, sont à eux seuls des liens bien puissants encore.

Et puis, qui donc est heureux ? et quel mariage ai-je rencontré qui fût une union ? Avec toute autre des femmes qu’on nous élève, ne trouverais-je pas mêmes inconvénients ? Il faut cependant me marier, ou renoncer à la vie. Qu’y ferais-je seul ? Mieux vaut encore le rôle de combattant que celui de spectateur.

Quant à mes rêves… ils n’existent plus.

24 novembre.

Se connaître l’un l’autre, est-ce donc fatalement ne plus s’aimer ?

Problème éternel et redoutable, que don Juan n’a pu résoudre en courant, que chacun ne résout jamais que pour soi-même, ou ne résout point, — car le regret et l’espoir en