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comprend si bien toute l’élévation ; il l’admire avec tant d’emphase et de louanges, qu’on lui pardonne presque de ne considérer au fond ce sentiment que comme une illusion généreuse. Du reste, les hommes de cette nature-là n’accordent en morale de réalité à rien. Ils recommandent ce qu’ils trouvent aimable, rejettent ce qui les gêne, voilà tout. Leurs seules réalités sont la jouissance ou la souffrance.

Ils étaient ensemble tous les trois ce matin, M. Forgeot, M. Plichon et Anténor, quand j’entrai dans le salon avec Clotilde. Ils causaient de Paris, comme c’est le bonheur des provinciaux, et Anténor qui va bientôt, je te l’ai dit, augmenter la population du quartier latin, s’efforçait de goûter par avance en esprit les joies de la capitale. Ma foi, la conversation était assez peu gazée, et notre arrivée ne parut pas l’effaroucher. Anténor faisait force questions sur les étudiantes et laissait en riant éclater sa hâte de les connaître. Moitié sérieux, moitié rieur, le père, que ce seul point de vue semblait inquiéter, disait :

— Fais attention que je ne me laisserai pas tondre pour ces filles-là.

— Anténor est plus sage que vous ne pensez, dit M. Forgeot. Il connaîtra bien vite les mœurs de ce monde, et n’ira pas plus loin qu’il ne faut. Il a de la clairvoyance, du sang-froid, un bon sens remarquable pour son âge ; il ne lui faut plus que cette expérience, toujours nécessaire à un jeune homme.

— Sans doute, dit M. Plichon, mais pas trop n’en faut. Vous me surveillerez ce garçon, M. de Mont-