Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En tournant les yeux dans la direction qu’elle m’indiquait, je vis le père et la fille enlacés, elle, souple, insinuante, prenant tour à tour des airs tendres ou fâchés, appuyant d’un baiser chacune de ses insistances… lui feignant encore la rudesse, mais n’y tenant plus, que pour se faire prier un peu plus longtemps.

Ce jeu-là, je l’avais vu déjà plusieurs fois. Blanche y était savante ; tantôt hardie et tantôt câline, ordonnant, priant, gorgeant le bonhomme de flatteries, l’attendrissant de caresses, puis emportant la victoire par une saillie dont il riait tout le jour.

J’avais vu cela plusieurs fois, et cela m’avait toujours un peu sonné faux, mais je n’y avais pas attaché ma pensée. À ce moment, au sortir de cette discussion dont j’étais encore animé, tout un monde d’objections et de répugnances afflua dans mon cerveau et je me sentis nettement hostile. C’est toujours ainsi, par l’opposition soudaine de ma conscience à certaines paroles ou à certains faits, que la lumière se fait en moi.

Tout ce système odieux et absurde qui met le gouvernement du monde aux mains de la fantaisie, de l’ignorance et des vanités, m’apparut là comme incarné. Et toutefois bien plus dans ce père imbécile qui veut sa fille enfant, et se laisse gouverner par elle, que dans cette charmante créature, mal élevée par ses éducateurs.

Non, je n’aime pas cela. Mettez à la place d’une fille, sur les genoux de cet homme, la femme, épouse ou courtisane ; le sens du tableau sera complet. La femme ignorante, vaine et sensuelle par conséquent, et l’homme séduit par elle, n’est-ce pas en effet l’explication, non-