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une lueur de joie. J’étais attristé ; je ne voulus pas rentrer encore, et je me couchai derrière une haie, à l’ombre, car le soleil devenait chaud.

C’était plein d’insectes qui fourmillaient là de tous côtés, chacun, d’un air empressé, suivant son chemin et sachant très-bien ce qu’il allait faire, tous propres, brillants, heureux. Je songeais moi à ce triste problème de la misère humaine, quand j’entendis marcher et parler dans le chemin. C’était la voix d’Anténor et une autre voix plus douce ; en regardant à travers la haie, je vis mon futur beau-frère à côté d’une jeune paysanne assez jolie.

— Non, vous n’êtes pas bonne pour moi. Mignonne, ce n’est pas bien.

— Je n’ai pas besoin d’être bonne pour vous, monsieur Anténor.

— Mais j’en ai besoin, moi, que vous le soyez. C’est gentil ce que vous dites. Est-ce qu’une jolie fille devrait être si égoïste.

— Il voulut alors l’embrasser ; mais la fille le repoussa en s’écriant :

— Finissez, monsieur Anténor, vous savez bien que je ne suis pas de celles qui jouent comme ça.

— Oh ! parce que ce n’est pas Justin, répondit le jeune Plichon avec dépit. Vous n’êtes pas si insensible pour lui, mademoiselle Mignonne.

Je n’en entendis pas davantage ; un peu plus bas, la haie se brisa sous un effort, et Anténor, pénétrant dans le champ où je me trouvais, s’éloigna sans me voir, en écrasant sous ses pas le chaume des sillons et en sifflotant sur un ton aigu.