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pour l’église ; certes ce n’était pas là du zèle. Ensuite, depuis quelque temps, M. le curé devenait maussade et quinteux. Il s’ennuyait à Boisvalliers.

Il y avait autre chose encore : sous l’œil noir et ardent de ce prêtre, la jeune fille ressentait une répulsion secrète. Derrière l’action réservée, distante, et sèche sinon froide, l’audace de la pensée se faisait sentir à elle, importune, mais magnétique et puissante. Elle sortait, le front rouge et baissé du confessionnal, et la crainte de se faire un ennemi l’engageait seule à y rentrer quelques mois après.

Le père Moreau et le curè trouvèrent Sidonie dans le jardin, près de la maison. Debout et penchée sur une petite table, elle s’occupait, sous la surveillance de M. Favart, à disposer des plantes dans un herbier. Ils causaient des propriétés de ces plantes, des diverses espèces du genre. Émue de la visite peu ordinaire de ces messieurs, Sidonie, sur leur refus d’entrer à la maison, alla chercher des chaises et les fit asseoir.

— Eh ! eh ! dit le père Moreau, avec un rire épais, pendant l’absence de la jeune fille, il n’est pas dégoûté, le capitaine, de venir voisiner comme ça ; on m’avait bien dit.

Et il lança un coup d’œil malin au curé.

— Mlle Jacquillat a de grandes dispositions pour la science, répondit M. Favrart.

— Cela n’a rien d’utile pour une femme, observa le prêtre.

— Pourquoi pas ? dit M. Favrart. La botanique, la physique, la zoologie ne sont autre chose que de la géographie complète. Nous étions tout à l’heure en pleine Amérique du Sud.