Page:Leo - L Institutrice.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Deux candidats étaient en présence : un duc de Paris et un bourgeois de Beauvais. C’est le duc — à tout seigneur tout honneur — qui était soutenu par l’autorité. L’opposition prit naturellement le bourgeois, et chacun fit l’éloge de son candidat. On ne les connaissait ni l’un ni l’autre. On savait seulement que le duc possédait dans le département un château magnifique ; l’autre, deux usines occupant nombre d’ouvriers, une maison à Beauvais et une villa délicieuse. Cela prouvait assez leur mérite et leur droit à représenter le peuple. Au fond, ce droit, par sa nature, était à peu près égal ; cependant, le duc étant le plus riche et le plus titré, la balance penchait naturellement en sa faveur, parmi ceux qui d’avance n’avaient pas pris parti dans la querelle, et surtout parmi les pauvres.

Mais l’opposition ne voulait qu’une chose : battre l’autorité sur le dos de son candidat. Elle exalta donc le bourgeois, sans oser attaquer le duc, ce qui eût été trop d’audace chez des gens, après tout, amis de l’ordre et respectueux des grands. On se lança donc tout de suite dans les personnalités, qui étaient d’ailleurs le fond de l’affaire. Les haines assoupies se réveillèrent et la bataille s’engagea ; de toutes parts les propos sifflèrent comme des flèches ; il y eut de saignantes blessures ; en attendant le vote, on dépouilla la vie privée de chaque électeur, et les femmes, à cet égard, furent traitées en électrices, tant la logique et la force des choses dominaient les fictions légales dans cette mêlée.

On ne pouvait avoir habité Boisvalliers pendant sept ans, sans avoir pris parti pour ou contre la citerne. Sidonie s’était efforcée in-