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— Je crois, dit-elle d’une voix altérée, que le meilleur de la vie, comme vous dites, est au foyer. Qu’y a-t il de plus charmant que de beaux petits enfants ?

— Et le plaisir de s’aimer, mais les coquettes ne savent pas aimer. — Vous, reprit-il au bout d’un instant, vous, vous n’êtes pas coquette, vous êtes bonne.

Et à ce moment, fut-ce la rencontre d’une racine, ou tout autre cause, il pressa le bras de Sidonie.

Elle était si troublée qu’elle ne put répondre. Il lui sembla que c’était un aveu d’amour qu’il venait de lui faire ; en même temps, cette injustice dont il se plaignait, dont elle-même, pour une part, se sentait coupable, la touchait profondément. Elle revint à lui de tout son cœur et se fit une piété de cet amour, qui jusqu’alors n’avait guère habité que son cerveau. Cette peinture qu’il avait tracée d’un bonheur de famille paisible dans la simplicité d’un foyer de village, s’empara de l’imagination de la jeune fille et l’attendrit. Elle y vécut par avance. Il y avait bien, comme obstacle et inquiétude, l’opposition des parents Moreau, celle de Mme Jacquillat elle-même. — Mais quelques obstacles en amour ne font pas mal ; ils excitent la pensée et varient l’impression. Ceux-là ne semblèrent pas insurmontables à Sidonie. Déroger l’ennuyait un peu ; mais elle fit ce sacrifice à l’amour. Elle attendait quelque nouvelle rencontre, un aveu formel, une lettre peut-être. Rien de tout cela n’eut lieu. Elle en souffrit ; mais l’imagination d’une jeune fille, concentrée sur un intérêt d’amour, ne se déroute pas facilement.

— Il est honnête, se dit-elle, et ne veut