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d’une heure, elle se laissait aller sur l’herbe des allées ; mais peu de temps après, se relevait souriante, et recommençait. Les premières éclosions de ses graines lui avaient donné tant de courage, on pouvait dire tant d’amour ! À voir le cotylédon enfant écarter la terre et naître au monde lumineux, elle tressaillait d’une émotion douce et sacrée, qui éveillait en elle des rêveries, des attentes mystérieuses. Ces naissances lui étaient dues ; elle avait préparé leur berceau, elle y avait couché de ses mains les graines endormies, et maintenant les voyait croître, toutes charmantes, et petites comme elles étaient déjà, si habiles, pleines du sentiment de leur destinée, soucieuses de vivre, ingénieuses à tourner l’obstacle, buvant à longs traits l’eau et le soleil, chacune avec sa physionomie particulière, les unes s’élevant d’étage en étage, comme de petites tours ; les autres s’étalant de plus en plus sur le sol, le cœur élargi des caresses de l’air, des bienfaits de la rosée et de la lumière.

La nature, au printemps, a, pour tout être doué du sens poétique, un charme pénétrant, mais qui n’est bien éprouvé dans sa profondeur intime que par ceux qui ont eux-mêmes cultivé la terre, ouvert son sein fécond, épié ses forces mystérieuses, saisi quelques-uns de ses secrets, respiré sa puissante haleine. Pour ceux-là surtout elle est la nourrice, l’amie, le grand génie familier. Ce charme que le paysan éprouve instinctivement, Sidonie en avait conscience. Dans ces joies, dans ce travail plein d’ardeur, le babillage de Léontine la venait troubler. Mlle Favrart traitait dédaigneusement ces soins.