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tion. On a cessé de frapper le corps pour frapper l’esprit. En quoi le châtiment corporel est-il plus humiliant que le châtiment de la volonté ? L’écolier, qui n’a pas de ces finesses, préférerait un coup de palette à une heure de pensum, c’est plus tôt fait. Le premier n’offense la sensibilité qu’un moment, l’autre punition attaque le principe même de la vie enfantine, le mouvement déjà si combattu par les longues heures de classe.

La jeune institutrice regrettait de punir ; mais elle s’y croyait obligée. Or le système, une fois entrepris, mène loin ; il a comme tout autre sa logique ; si la dose première de mal infligé ne suffit pas, que faut-il faire ? la doubler évidemment ; frapper de plus en plus fort, puisqu’il s’agit d’une lutte entre deux volontés ennemies, où le salut de l’école exige que le maître ait la victoire. Lutte cruelle, dangereuse, où l’oppresseur n’est pas le moins à plaindre par le danger de sa dignité, la souffrance de son orgueil et l’inquiétude du succès. Car, arrivée à un certain point, la logique du système se dérobe devant la loi ; aux prises avec un caractère énergique, l’instituteur est vaincu d’avance, puisqu’il ne peut ni blesser ni tuer le révolté. Fondé, comme tous les autres gouvernements, sur le droit de la force, le gouvernement scolaire est le seul qui soit privé de la solution suprême, la peine de mort. Il a bien la captivité, mais si courte, si tempérée par le pouvoir des parents contre l’ennemi ! Sa tâche est donc aussi difficile que son action est incomplète, et ce n’est pas sans raison que la carrière enseignante passe pour une galère, où seuls consentent à ramer les malheureux soumis aux dures lois de la misère. Les deux conscriptions,