Page:Leo - L Institutrice.djvu/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une œuvre à produire. Toute l’industrie, toute l’ingéniosité, tous les efforts de ces deux femmes furent consacrés à ne pas mourir de faim avec les 400 francs que l’État accorde aux institutrices, augmentés des 200 francs de pension que recevait Mme Jacquillat. C’étaient 50 fr. par mois pour leur nourriture, leur chauffage et leur blanchissage. Heureusement, elles se trouvaient amplement pourvues de vêtements, du moins pour leur condition actuelle, trop bien pourvues même, on l’a vu, au jugement du village. Déjà épuisées de ressources au départ de Versailles, Les frais de ce changement de résidence les avaient laissées presque sans argent dès les premiers jours. Le petit jardin abandonné ne produisait rien ; il fallait tout acheter, et les marchands du village avaient, vis-à-vis de ces étrangères pauvres, une certaine froideur, qui eût écarté d’avance toute demande de crédit, au cas où la fierté de ces dames leur eût permis d’y penser. Épouvantées du dénûment absolu qui les menaçait, elles se décidèrent alors, non sans regret, à s’adresser à leur fils et frère, Armand Jacquillat, alors professeur de cinquième à Blois. Ce fut la mère qui écrivit. La réponse se fit attendre. Elles étaient à leur dernier sou quand arriva enfin une lettre chargée contenant un mandat de 50 francs.

« J’ai eu assez de peine à les ramasser, écrivait Armand. Il ne faut pas t’imaginer, ma chère maman, que parce que j’ai des appointements supérieurs à ceux de Sidonie, je sois un Crésus. Dans cette galère de l’Université, il n’y a que des pauvres, et je regrette amèrement que mon père ait eu l’idée de m’y fourrer, lui qui en connais-