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beurre, un peu de lard ; aumônes quelquefois trop mal déguisées, qu’elle ne pouvait refuser, qu’il lui fallut désirer, et souvent attendre en vain. Le presbytère aussi s’émut de sa détresse, et vint magnanimement au secours de celle qu’il avait toujours traitée en ennemie. Mais il lui fit entendre qu’elle devait s’approcher plus souvent des Sacrements ; et elle eut la tâche bénévole de faire répéter le catéchisme à celles des premières communiantes qui avaient la tête dure. Un jour enfin, on lui apporta des prières à dire pour quelques sous. Elle refusa. Ce fut un crime ; et ce pouvait être son arrêt de-mort.

Peu de jours après cet incident, par une froide journée de septembre, Mlle Jacquillat, glacée dans son taudis sans feu et sans soleil, s’achemina, toujours tricotant, vers le pied de la colline, sur laquelle était situé le château. Il y avait là, au midi, des plis de terrain, où les rayons, concentrés entre les rochers, donnaient la température des chaudes journées d’août. Frileuse par anémie, la pauvre fille voyait approcher l’hiver avec terreur. Elle ne craignait pas de mourir ; mais mourir de misère et de froid, cela est si dur ! et surtout si long ! Elle s’assit dans un enfoncement de rochers, sur un banc de pierre, au bord du chemin qui contourne la colline, et là, réchauffée par le soleil, un peu ranimée par la pureté de l’air, elle reprit, malgré la fatigue qu’elle en éprouvait souvent dans les muscles du dos, et qui, parfois allait jusqu’à la douleur, elle reprit l’exercice éternel de son tricot et celui de sa morne pensée.

Il y avait deux heures environ qu’elle était là, le soleil baissait, et la vieille fille