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nèbres qui l’entouraient. Trop digne pour être hypocrite, elle fut, là comme ailleurs, malgré sa réserve, et son douloureux silence, devinée et tenue en suspicion. Ses actes toutefois ne donnèrent prétexte à aucune accusation. L’espérance était morte en elle ; elle savait qu’il était vain de protester et se renfermait dans une résignation étouffante et morne.

Toute force en ce monde a besoin d’action. Peu à peu, — il le fallut bien, — le foyer cessa de produire des étincelles et s’assoupit ; les ténèbres gagnèrent. La pensée, toujours prisonnière dans le cerveau, s’alanguit ; les battements de ce cœur généreux se ralentirent. La douleur devint tristesse ; la révolte abattement. Quelquefois encore, se réveillant sur un souvenir, elle pleurait de cette mort anticipée ; mais toute créature fuit une souffrance inutile, et Sidonie, lasse de souffrir, trouvait, au fond, que cela valait mieux ainsi.

Elle vieillit rapidement. Dès la première année de son séjour à Rochelande, ses cheveux blanchirent ; la crise qui survint dans sa santé, faute des soins nécessaires, devint plus grave ; son logement humide et mal clos lui procura des rhumatismes qui la courbèrent. À cinquante ans, elle paraissait en avoir soixante. Une toux opiniâtre, devenue chronique, lui rendait l’enseignement de plus en plus difficile. On la mit à la retraite. Après bien des démarches, suppliques, lettres et productions de certificats, elle reçut enfin de la munificence de l’État le brevet qui lui conférait une pension annuelle de — 40 francs. — Cela fut inscrit au budget de cette époque, entre la retraite de 10, 000 fr. d’un général qui avait tué pas