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nemis n’avaient pas perdu leur temps. M. le curé avait fait deux voyages au chef-lieu ; certaines matrones avaient fort clabaudé dans le village sur l’étrange et nouveau système de l’institutrice, ne manquant pas d’employer cet argument redoutable, que jamais on n’avait rien vu de pareil. On était arrivé sans peine à inquiéter les parents, et les élèves avaient beau défendre leur institutrice ; au village non plus qu’ailleurs, et moins qu’ailleurs, on n’accorde aux enfants le droit de donner leur avis sur leurs propres intérêts ; même, selon la doctrine génésiaque de la sagesse obtenue par la compression et le châtiment, leur avis compterait plutôt en sens contraire.

— Pour y trouver tant de contentement à leur école, faut qu’on ne leu-z-y fasse rien faire, disaient avec conviction les sages du lieu ; puisqu’elles s’amusent, c’est donc qu’on ne leur apprend rien ?

Aux yeux de ces pauvres travailleurs sans trêve, le travail est toujours, comme dans la Bible, la punition, la douleur ; et le travail d’esprit, dont ils n’ont jamais surmonté les difficultés, leur paraît tel plus encore. Sur ce point, d’ailleurs, leur avis ne diffère pas de celui des universitaires et du monde entier ; la méthode, née de la conception, lui servant désormais de preuve.

L’opinion des sages du lieu devait pénétrer au sein du Conseil municipal ; elle y fut adoptée sans peine. L’orage grondait. Sidonie vit le péril et hésita. Mais si elle perdait l’amour de son œuvre, que lui resterait-il ? Elle osa donc soutenir la lutte et s’efforça de persuader ses adversaires et par le raisonnement et par les faits, c’est-à-dire par les progrès de ses élèves. De