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sait, plus sa répugnance pour le prétendant grandissait.

Qu’y avait-il à la fois dans cet homme de raide et de mielleux ? de sec et de gluant ? Elle ne savait. Elle se disait : Il ne faut pas juger sur l’extérieur. — Maxime plus fausse que juste, et toute selon le dualisme chrétien, pour qui la matière ne compte pas. Pour ces partisans à tout prix de la cause, la matière, le visible, n’en a pas besoin ; cela ne vient de nulle part, n’a pas de raison d’être, n’est formé que de hasard. Cependant, quand la physiologie sera faite, ce visage humain, que d’instinct seul aujourd’hui nous épelons vaguement, deviendra une sorte d’imprimé vivant des qualités et défauts de l’individu, quelque chose comme la légende que le naïf moyen âge mettait dans la bouche de ses personnages. En même temps, l’interprétation perdra bien des préjugés classiques, et le type de beauté se modifiera. Mais, en attendant, on se trompe fort, en effet, sur le sens de la légende, faute de savoir lire. Celle que portait entre ses dents bien plantées M. Lucas, et dont Sidonie percevait le sens, sans y croire, c’était : — Je suis l’égoïsme, l’idiotise moral et la suffisance. — Mais comment aurait-elle osé lire de pareilles choses sur le visage d’un homme aussi recommandable, ami de M. le comte de Gerbie ? Elle n’avait pas, l’humble institutrice, assez de lecture pour cela.

Elle l’eût osé d’autant moins que tout le déjeuner fut assaisonné, par M. Lucas, d’un nouvel éloge de M. Lucas, auquel le bon M. Maigret donnait complaisamment la réplique, et son approbation la plus empres-