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la petite fille criarde et farouche avaient fait l’enfant expansive et bonne, rayonnante de ces beautés qui sépanchent du dedans au dehors, de l’âme sur les traits. C’était le libre essor de ses initiatives qui avait rendu son intelligence si vive et déjà si ferme, qui lui donnait cette expérience enfantine pleine de grâce et d’habileté. Beaucoup s’extasiaient de ce changement, trop éclatant pour ne pas frapper tous les yeux, et l’on en félicitait, — par bonne intention peut-être, — Mme Moreau, qui recevait ces compliments avec une aigreur jalouse. Soit qu’elle fût maintenant touchée d’orgueilleuse tendresse pour cette enfant si négligée autrefois, soit qu’elle voulût faire sentir ses droits, elle s’occupa dès lors beaucoup de Rachel, s’enquit de tous les détails de sa vie et de ses études, et blâma vivement la liberté dont elle jouissait.

— Ce n’est pas comme cela qu’on élève ses enfants, dit-elle. Si vous lui laissez faire ce qu’elle veut, elle n’aura jamais un bon caractère. Il faut qu’elle s’habitue à la contrariété.

Et elle insista pour que Rachel assistât aux classes comme les autres et pendant aussi longtemps.

Ce fut, pour l’institutrice comme pour l’enfant, un grand tourment que ces exigences, et il faut dire que ni l’une ni l’autre n’eurent le courage de s’y soumettre. Il y eut les premiers jours une demi-assiduité ; puis Rachel reprit ses allures irrégulières. Quand l’indépendante enfant, presque suffoquée par l’air épais et le lourd silence de la classe quittait son banc tout à coup, et qu’en même temps se levaient toutes les têtes de ses compagnes, l’observant d’un