Page:Leo - L Institutrice.djvu/10

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il n’estime comme travail que l’effort matériel, et les labeurs de l’esprit ne sont à ses yeux que fainéantise. D’autre part, tout bourgeois pauvre est pour lui un ennemi à terre, et le paysan est rarement généreux.

L’institutrice n’eut pas le temps de se livrer à son chagrin. Sa mère l’en reprenait, alléguant en manière de consolation qu’elles avaient bien autre chose à faire, quand un coup fut frappé à la porte vitrée, et Mme Jacquillat s’écria :

— Sidonie ! voici des dames ! Ces mots étaient accentués de manière à faire sentir sans plus de paroles la gravité de la situation et l’importance des devoirs qu’elle imposait à Sidonie. Celle-ci comprit en effet, se leva et tandis que sa mère, après un : Entrez ! prononcé du ton le plus calme et le plus harmonieux, allait au-devant des visiteuses, la jeune fille, se tournant de l’autre côté, essuyait ses yeux et revenait montrant un doux visage, armé d’un sourire.

Deux dames entrèrent, avec force révérences et quatre yeux inquisiteurs, qui tout d’abord saisirent les deux arrivantes à Boisvalliers, et prirent leur mesure de pied en cap.

La première, d’âge mûr, grande, forte, épaisse, le visage énergique et coloré, l’air sûr d’elle-même et majestueuse, une maîtresse femme ; la seconde, une jeune personne, assez grande également, assez jolie, douée d’un aplomb à peu près égal, mais d’un aplomb moins sérieux, plus jeune et relevé de quelque chose de piquant, qui pouvait se nommer impertinence.

— Je pense, dit la première en regardant Sidonie, après avoir salué Mme Jacquillat,