Page:Leo - L Ideal au village.pdf/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Allons, la mère ! dit Deschamps en entrant, donnez-nous tout de suite du lait et des tasses. »

Et comme la bonne femme, regardant curieusement les dames, hésitait :

« Eh bien ! reprit-il durement, vous n’entendez pas ?

— C’est l’Henriette qui soigne le lait, dit la vieille ; moi, je ne sais pas ; il faut l’appeler.

— Allons, allons ! vous ne savez jamais rien. »

Et, d’un ton impérieux, il cria : « Henriette ! »

Sa femme parut bientôt, et, de cet air chagrin qui lui était habituel et qui s’accordait à merveille avec ses joues creuses et son apparence d’épuisement, elle s’empressa de servir ce qu’on demandait. Rose fit les honneurs de la table. Cette fille était trop belle pour pouvoir être désagréable ; mais ses manières, empreintes malgré tout d’une grâce qui lui était propre, n’en avaient pas moins une brusquerie qui choqua Cécile.

Bien que celle-ci n’eût pas les préjugés du rang, elle avait ces habitudes d’élégance et de délicatesse en toutes choses qui constituent une aristocratie, naturelle sans doute, mais qui elle aussi a ses dédains. Il lui déplut en outre de voir Rose accepter les services de sa mère et de son aïeule, et les reléguer sans façon au second plan. Ces premières impressions l’empêchèrent peut-être de rendre assez justice à l’intelligence de cette fille de paysans qui, sans éducation et par ses propres efforts, s’était affranchie de la grossièreté de ses habitudes d’enfance, au point de soutenir, sans trop de fautes de