Page:Leo - L Ideal au village.pdf/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vais voir beaucoup de monde, et je pourrai te donner des indications dès ce soir. Je te quitte ; mon étude est pleine. Quand on est à la fois maire et notaire, on n’a pas le temps de se reconnaître. Ma foi, les honneurs, les soucis et les affaires, tout cela est bien lourd à porter ! »

Lucien le regarda s’en aller et haussa les épaules en murmurant avec le dédain d’un artiste : « Quel bourgeois ! » Puis il monta chez lui préparer ses crayons, dans l’attente de l’heure bienheureuse où il allait retrouver sous ses yeux son beau modèle.

Deux heures après, au sortir de l’église, Cécile, Agathe et Lilia, accompagnées de M. Delfons, partaient pour les Maurières. Le temps était magnifique ; la brise agitait heureusement les couches d’air embrasées par un éclatant soleil, et l’on avait à peine vingt minutes de chemin par les sentiers.

Cependant Agathe ne cessait de se plaindre de la chaleur, de la poussière, des cailloux et de quelques ronces, qui pourtant se balançaient avec grâce, toutes fleuries, sur son passage. Elle n’était point habituée, disait-elle, à sortir comme cela dans le jour, par la chaleur, et ce qu’elle n’ajoutait pas, mais s’efforçait de laisser deviner, c’est que de petits pieds aussi bien chaussés n’étaient bons qu’à fouler des tapis, ou des parquets tout au moins, et qu’une personne délicate comme la sienne avait droit à des égards tout particuliers de la part de la création.

On ne pouvait nier le malaise d’Agathe ; elle avait le visage en feu et le front couvert de sueur ; et même, pour lui rendre pleine justice, il faut avouer