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de nuit et en jupon court, inspectait les abords de la ferme, s’arrêta stupéfaite devant un spectacle bizarre à ses yeux.

C’était un jeune monsieur, à barbe blonde, qui, sous un des châtaigniers, dépliait une espèce de parapluie et paraissait prendre des mesures, comme s’il se fût cru à la foire et qu’il eût voulu établir là quelque boutique en plein vent. Cependant, quand il eut salué l’Henriette d’un air honnête, et voyant qu’il n’avait pas l’air d’un coureur de grands chemins, elle pensa que c’était plutôt quelque arpenteur, et cela l’inquiéta fort ; car, était-ce donc que le vieux Pontvigail songeât à vendre ? On n’aime point à être dérangé, et tous ces griffonneurs de paperasses inquiètent le bon travailleur.

Tandis qu’elle songeait ainsi, le jeune homme s’avança vers elle et demanda si Mlle Rose était levée. Le bruit d’une fenêtre qui s’ouvrait répondit à la question, et Rose apparut, éclatante comme un rayon du soleil levant, et fraîche comme la rosée qui baignait les herbes. Elle sourit à Lucien d’un petit air d’intelligence en achevant d’arranger sa collerette, et disparut pour reparaître bientôt sur le seuil. Elle avait oublié d’instruire sa mère de ce dont il s’agissait, et répondit seulement à ses questions :

« C’est pour faire mon portrait. Ce monsieur et mon père sont convenus de ça. »

Puis elle regarda l’appareil, se fit ouvrir la boîte, et toucha tout avec un plaisir d’enfant. Elle paraissait enchantée qu’on fit son portrait. Peut-être, dans son naïf orgueil, avait-elle eu le sentiment que cette