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belle Rose dont on veut faire une marquise, m’avez-vous dit. Je suis très-curieuse.

— Eh bien, M. Darbault, voilà cinq heures et demie, et puisque Delfons n’arrive pas…

— Mettons-nous à table, » acheva Lilia.

Elle allait suivre son père, qui avait déjà quitté le salon, quand Lucien accourut lui offrir son bras. La jeune femme le prit avec un sourire de reconnaissance, et comme il exprimait ses regrets qu’on n’attendît pas le docteur et plaignait ses fatigues.

« Oui, répondit-elle indifféremment, c’est un ennuyeux métier. »

Elle retira son bras en indiquant à Lucien sa place auprès d’elle ; et dans ce geste et dans ce regard elle mit une foule de si charmantes choses que Lucien s’aperçut pour la première fois que sa cousine Lilia était une femme séduisante.

Mais cette impression fut vite effacée, dans la préoccupation où il était de revoir Rose ; non qu’il eût conservé depuis si longtemps de l’amour pour cette fille : ce n’était qu’un souvenir, — souvenir, il est vrai, plein d’une délicieuse poésie. Il se demandait aussi : De quel air me recevra-t-elle ? que vais-je lui dire ? Elle allait sans doute lui apparaître bien différente de l’image idéalisée qu’il avait gardée en lui. Sur ses lèvres errait un sourire railleur. Il comptait sur une déception.

On avait commencé de dîner quand Rose entra. Elle entra les yeux baissés et d’un air de modestie qui semblait recouvrir une certaine assurance. Après avoir salué sans parler, comme une personne qui ne tient nullement à être vue, elle alla s’asseoir au