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engagée ailleurs pour le reste de la semaine, et sachant que j’étais pressée d’une robe pour Jeanne, elle est venue. Elle voulait bien partir, quand elle a su que j’avais du monde ; je l’ai retenue. Tu sais combien sa famille est fière. Les Deschamps ne m’auraient pas pardonné de la renvoyer pour ce motif.

— Et pourquoi sa présence vous gêne-t-elle ? demanda Cécile.

— C’est l’habitude ici, ma cousine, que les ouvrières mangent à la table des maîtres, et elle se croiraient déshonorées de manger à la cuisine. Ces gens de petite ville ont des prétentions dont vous ne pouvez vous faire une idée.

— Et c’est à cause de nous que la chose vous embarrasse ? reprit Cécile. Vous n’y songez pas. Vos habitudes doivent être les nôtres, et je n’ai d’ailleurs pas le moindre préjugé à cet égard.

— Après tout, je puis la faire servir dans sa chambre, dit Lilia.

— Ils t’en voudraient de même, objecta Mme Darbault. Tu sais combien ces Deschamps sont orgueilleux. Puisqu’elle est là, il faut qu’elle dîne avec nous ; il n’y a pas moyen de faire autrement. »

M. Darbault, avec un peu d’humeur, dit alors :

« Au fait, ça ne pouvait pas manquer d’arriver. Cette fille est toujours chez toi. Il faut que tu aies diablement d’ouvrage, ou que toi-même tu ne fasses rien. »

Lilia rougit et allait répondre avec dépit quand Cécile se hâta de dire :

« Mais je serai charmée de la voir, moi, cette