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Plus d’une bonne âme à Loubans les accuse encore d’avoir capté à force d’intrigues la plus belle fortune du pays, bien que chacun, à l’occasion, recoure à Mme de Pontvigail comme à la providence la plus gracieuse qui se soit mêlée jamais des affaires d’autrui.

Louis, maintenant, connaît l’exaltation du bonheur ; mais il passe toujours pour un peu fou, parce que toute injustice le passionne, et qu’il refuse, même heureux, d’arriver tout doucement à penser que les choses, après tout, sont pour le mieux en ce monde.

Quelques mois après le mariage de sa sœur, Lucien lui écrivait de Paris :

« Ils s’écrient tous que la Rose est un chef-d’œuvre. Je le crois aussi. Mais si j’admire encore mon œuvre, je ne l’aime plus, et j’éprouve à la regarder plus de découragement que d’orgueil ; car il y a là une part de mon âme qui n’est plus en moi. Se ravivera-t-elle jamais ?

« Patrice est devenu presque Parisien ; il porte un habit, des gants, et se fait friser ; mais il ne sait rien de plus qu’à son départ de Loubans, et Maze hausse les épaules en parlant de lui. L’engouement dont il a été l’objet l’a perdu. On a tant raffolé de ses ébauches qu’il n’a pas cru nécessaire de faire davantage, et qu’il s’est posé vis-à-vis de lui-même et de tout le monde en génie complet.

« Il ne parle que de lui, ne croit qu’en lui, et restera lui-même à l’état d’ébauche ; car son vice radical est la vanité, et il me semble de plus en plus que