Page:Leo - L Ideal au village.pdf/333

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vais prendre par les Saulées et je vous rejoindrai dans les bois, près de la gare. »

Louis s’éloigna. Lucien et Cécile, ayant fait la veille leurs adieux à leurs parents, ne s’arrêtaient pas à Loubans. Après avoir franchi la petite ville, ils remontèrent le coteau, et déjà les regards de Cécile se portaient autour d’elle avec inquiétude. La campagne offrait un aspect bien différent de celui dont elle avait frappé leurs yeux la première fois.

Tout était morne, vaste et nu dans cette étendue que remplissaient autrefois les masses accumulées d’une verdure profonde. Les grands arbres isolés dressaient leurs squelettes sous le ciel ; le bois, avec ses rameaux grêles et ses feuilles sèches, frissonnait, et sur les prés, les herbes, tordues par la gelée, se crispaient mourantes sur le sol, qui résonnait. D’une des futaies qui bordent la route, près de l’endroit où Louis et Cécile s’étaient rencontrés pour la première fois, le jour de l’arrivée à Loubans, ils virent Louis s’avancer vers eux, et s’arrêtèrent.

« C’est ici, dit-il, et son accent, quoique simple, était solennel ; c’est ici que nous allons nous séparer pour longtemps. Vous penserez à moi quelquefois, n’est-ce pas ? »

C’était à Cécile qu’il parlait, en attachant sur elle un regard dont une flamme ardente dévorait les larmes. Elle descendit de voiture, ainsi que Lucien, et, pâle et tremblante, prit la main de son ami, la serra entre les siennes, et du ton d’une prière suprême :

« Louis, vous allez me promettre de nous venir voir à Paris. Je le veux. »