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dant incapable de suivre son maître dans de longues courses.

« Mon bon vieux, dit Cécile à demi voix en passant la main sur la tête de la fidèle bête, il ne viendra que dans la soirée. Je le lui avais défendu pourtant, » ajouta-t-elle à part soi en allongeant une lèvre boudeuse, comme pour gronder d’avance le coupable.

Elle vint enfin s’asseoir près de son frère, dont elle remarqua seulement alors la tristesse et la préoccupation. Il ne voulut pas lui en avouer la vraie cause, pensant que Louis pouvait encore venir dans la soirée, et lui parla seulement de la conversation qu’il avait surprise entre Patrice et Mariette.

« Ce que nous soupçonnions est vrai, lui dit-il. Cette pauvre Mariette aimait Patrice, et ils étaient fiancés ; mais le drôle, enivré de sa nouvelle fortune, l’abandonne. Je regrette presque de l’avoir si chaudement recommandé au sculpteur Maze et de l’envoyer là-bas pour y grossir le nombre des ambitieux. Si tu avais entendu la sécheresse de ses adieux à cette pauvre fille ! Tout cela, vois-tu, me fait beaucoup réfléchir sur les autres et sur moi. Je vois de Plus en plus que l’égoïsme et la vanité nous rendent vraiment fous. Nous rapportons tout à nous-mêmes ; nous concentrons tout en nous. Est-il cependant une de nos satisfactions, à part celle de la conscience, qui n’ait son objet en dehors de nous ? Mais, par une contradiction aveugle, non-seulement nous prétendons être à nous-mêmes notre propre but, mais nous voulons encore être celui des autres.