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moi : quand je serai riche, je t’enverrai une dot ; tu n’y perdras rien avec moi.

— Je ne veux pas de tes cadeaux, répondit-elle. Je voulais tout de toi ou rien. Je ne comprends pas grand’chose à ce que tu dis, et il me semble que tu as la tête tournée ; mais pour le cœur, c’est bien sûr, et de ça je ne me consolerai point… »

Lucien n’en écouta pas davantage, il s’éloigna.

Comme il entrait dans la cour, il vit derrière les vitres le visage de Cécile et devina bien de qui elle épiait ainsi l’arrivée.

« Louis n’est pas venu ? demanda-t-il avec un grand serrement de cœur.

— Non, pas encore  ; il est près de cinq heures cependant. »

Lucien alla s’asseoir silencieusement au coin de la cheminée ; mais chaque fois qu’il voyait les yeux de sa sœur, de la fenêtre où elle faisait semblant de broder encore, se fixer sur la porte de la cour, il éprouvait des mouvements de douleur et de rage. Il fallait qu’il fût insensé, vraiment, cet homme qui, s’étant fait aimer, on ne savait comment, d’une si charmante fille, la dédaignait ! Ah ! si Lucien avait pu prévoir… il l’aurait tué plutôt, ce maniaque, ce fou, qui se plaignait de la vie et savait si bien, lui aussi, faire souffrir !

Il était nuit. Mariette entra, portant la lampe allumée, et Cécile se retira lentement de la fenêtre, où, dans une attitude inquiète aussi, Argus se tenait près d’elle ; car Argus, bien qu’il fût guéri, habitait encore les Grolles, un reste de faiblesse le ren-