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goût au travail, et que la société de Louis de Pontvigail lui devint pénible. Il se mit à sortir après le déjeuner, tous les jours, et il allait à Loubans.

Assise à la fenêtre qui donnait sur la rue, et cherchant à tromper l’ennui de l’attente par la lecture, mais n’ayant plus guère l’esprit à d’imaginaires amours, Lilia l’attendait ; en le voyant, le front de la jeune femme s’éclairait d’une joie passionnée. Le docteur étant absent presque toujours ; ils se trouvaient seuls, car la petite Jeanne se tenait d’ordinaire avec la bonne. Mais ne se lassaient point de causer ensemble, et souvent Lucien arrivait aux Grolles en retard d’une heure pour le dîner.

Comme Lucien se rendait chez Lilia un jour, il rencontra M. Darbault qui revenait des Saulées.

« Quel original ! s’écria l’honorable notaire en parlant de Louis de Pontvigail. En voilà un homme qui parle étrangement des affaires ! Croirais-tu qu’il fait fi du droit légal et ne tient compte que du sentiment ! S’imaginerait-on jamais que c’est un propriétaire ? Je pensais, moi, qu’en devenant maître des biens de son père il changerait ; mais non c’est une tête à part. Ah çà ! poursuivit l’oncle, il faut que je te dise… étant là, ma foi ! je n’ai pu m’en tenir de lui faire entendre ce qui aurait dû lui être dit par toi-même depuis longtemps, à savoir que ses visites journalières, sans but avoué compromettaient la réputation de Cécile. J’ai cru, sur ma parole ! qu’il allait se trouver mal, car il est devenu très-rouge, puis très-pâle, et je pense que c’était de colère, car il tient malgré tout de son père à cet égard.