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hardiesse ; la jeune fille rougit, et lui-même parut confus.

« Je ne sais ce que j’ai ce soir, dit-il après un silence, mais je me sens le cœur serré ; je crains l’avenir. Trop de bonheur n’est pas fait pour moi, poursuivit-il avec un amer sourire, et plus ces jours sont beaux, plus je redoute qu’ils n’aient pas longtemps à durer. Voici l’hiver… » Il s’arrêta ; puis il fit un effort pour ajouter : « Votre frère ne songe pas… » Mais il n’en put dire davantage.

Cécile vit bien qu’il craignait leur départ ; mais pourquoi n’avouait-il pas qu’il ne le pourrait supporter et que son désir était d’être à jamais uni à elle ? Autrefois, elle s’était dit, pour se rassurer sur l’amour de Louis, que, pauvre et persécuté comme il l’était, jamais il n’oserait songer à leur mariage. Mais depuis ce temps le cœur de Cécile avait fait bien du chemin, et il lui semblait que Louis avait dû marcher comme elle. Cependant, elle comprenait bien que c’était à elle d’encourager son amant et de vaincre sa réserve. À cet instant même, elle se le dit ; mais en dépit de sa volonté, ses timidités et ses pudeurs de jeune fille retenaient sa voix et la forçaient au silence. Lucien et Lilia, se donnant le bras, venaient de disparaître au bout de la prairie.

« Je voudrais ne point vous quitter, » répondit Cécile. Et l’émotion de sa voix eût donné à ces mots tout le sens qu’elle y attachait, pour un homme plus disposé à se flatter lui-même que ne l’était Louis.

« Ah ! s’écria-t-il, vous êtes bonne, bien bonne pour moi ! Cette amitié que vous m’avez donnée,