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Mais cette fois la jupe de Doucette, boursouflée comme un ballon, laissait éclater à tous les yeux la couleur rouge de ses jarretières, tranchant sur le fond de ses bas bleus. Doucette avait mis une crinoline, fruit du labeur de ses veilles depuis huit jours.

Avec son épais corsage, son visage enluminé sous sa lourde coiffe, son air gauche et ses bras pendants, Doucette, ainsi habillée par en bas à la manière d’une sylphide d’opéra, avait si grotesque tournure qu’après le premier moment de stupéfaction le rire de Cécile éclata et gagna d’écho en écho la salle à manger, où se trouvaient Louis et Lucien. Ils accoururent, et leurs rires se joignirent à ceux de Cécile, tandis que la malheureuse Doucette, étourdie d’un tel accueil, et comme pétrifiée au milieu de la cuisine, s’excusait en larmoyant.

« Je ne sais pas, dit-elle, ce que vous avez à rire comme ça. Si c’est la crinoline, je ne suis pourtant pas la seule qui en porte. Toutes nos grosses fermières en ont-elles pas à présent ? et toutes les ouvrières de Loubans ? et la bonne de Mme Delfons ? Est-ce que je ne vaux pas autant que les autres ? Et puisqu’elles en ont, pourquoi en aurais-je pas ?

— Je regrette vraiment de n’avoir pu m’empêcher de rire, dit Cécile ; mais, Doucette, sérieusement, voudriez-vous aller à la messe ainsi ? »

Un fou rire la reprit à cette idée, malgré ses efforts.

« Doucette, dit Lucien de l’air le plus grave, Doucette, vous avez raison. L’égalité de la crino-