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de temps en temps à ces promenades. Elle venait deux ou trois fois par semaine s’informer de son cousin, et, parmi les distractions qu’elle cherchait à lui procurer, elle l’engageait à venir chez elle, en l’assurant qu’il n’y trouverait plus Rose. Lilia ayant reproché à cette jeune fille son manque de foi, maintenant elles étaient brouillées.

La famille Deschamps avait pris l’affaire au même point de vue que Rose, et clabaudait contre Lucien, l’accusant d’avoir fait manquer, par de coupables manœuvres, le mariage de Rose avec Louis de Pontvigail.

Tous les soins et les marques de tendresse dont on l’entourait, la pensée qu’il était heureux d’avoir été éclairé à temps sur le peu de valeur morale de celle qu’il aimait, l’amour de l’art, qui chez l’artiste grandit souvent sur les ruines des autres amours, tout cela adoucissait peu à peu la douleur de Lucien.

Il ne se bornait plus à écouter la conversation que ses amis tenaient autour de lui pour lui seul, il s’y mêlait avec sa verve habituelle, devenue seulement plus âpre et plus ironique ; il reprenait ses pinceaux et s’enthousiasmait de nouveau pour la beauté de tel ou tel site. Chez lui, comme chez toutes les âmes d’élite, la douleur le portait à plus de douceur et de bonté, et souvent, emportant crayons et papier, il partait pour aller surprendre Patrice au milieu de ses poteries et lui donner une leçon.

Quelquefois même, au retour, il riait de son élève, qui déjà, disait-il, se donnait les airs d’un homme