Page:Leo - L Ideal au village.pdf/282

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peser sur les épaules de votre vieux père tout le poids des soucis et de la fatigue. C’est moi qui vais dans les champs activer l’ouvrage ; c’est moi qui vais dans les foires et dans les marchés acheter et vendre ; c’est moi qui vais toujours et partout, et par tous les temps, pendant que vous ne faites rien, si ce n’est de venir me dérober subrepticement ma voiture et mon cheval pour éviter une demi-lieue à des demoiselles mouillées. Puisque vous êtes si galant, pourquoi craignez-vous tant de prendre une femme ? Parce que je le veux seulement ; non, vous n’avez pas d’autre raison. N’avez-vous pas renoncé à la chasse quand vous ayez vu que cela vous rendait bon à quelque chose et approvisionnait le garde-manger ? Vous n’avez pris au monde qu’une tâche, celle de tromper toutes mes espérances. Pourtant, ce n’était pas vous demander trop de peine que de me donner un héritier ? Car je n’entends pas avoir pris tant de mal et avoir tant travaillé pour que mon bien tombe en ruine entre vos mains et passe ensuite à des étrangers. Mais, à la fin, je suis las de ma patience : je ne veux plus vous servir de jouet et de risée. J’exige votre obéissance, et, si vous me refusez… »

Tandis qu’il rappelait ainsi tous les griefs qu’il avait contre son fils, la colère du vieillard s’était de plus en plus exaltée ; il était pourpre, écumant. Ses poings crispés, ses gestes violents menaçaient Louis, qui peu à peu, s’était reculé jusqu’au manteau de la cheminée. Gothon, présente à cette scène, l’observait d’un air méchant, plus satisfait qu’inquiet, tandis qu’un second spectateur semblait animé