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quand le docteur se présenta. On crut d’abord qu’il était venu pour chercher sa femme ; mais il avait appris seulement par hasard à la ferme qu’elle était là.

« Ce pauvre Louis de Pontvigail, dit-il, m’a forcé par ses prières de me charger d’un étrange malade, son chien Argus.

— Argus ! dit Cécile. Que lui est-il arrivé ?

— Une brutalité du vieux ladre, qui ne songe qu’à se débarrasser des bouches inutiles. Cette pauvre bête a les côtes brisées. C’est grave ; mais il faudra bien que je le guérisse, car Louis serait malade, je crois, de la perte de son chien. »

Cécile allait demander de nouvelles explications sur ce fait, quand Lilia parla d’autre chose ; puis M. Delfons pressa le départ. En quittant son cousin, Lilia l’embrassa en lui disant : « À demain ! »

Cécile passa toute la nuit près de son frère, qu’une forte fièvre agitait. C’était la première fois que ce jeune homme perdait une illusion vraiment chère. Il en avait arraché à d’autres, peut-être ; mais pour la première fois il avait mis toute la confiance, toute la générosité, toute la sincérité de son cœur dans un amour.

Sans doute il avait cru, par cette volonté d’être bon et juste, mériter d’être heureux ; aussi l’amertume d’une injustice venait-elle s’ajouter pour lui aux douleurs de l’amour trahi. Il s’indignait, il souffrait, comme on souffre quand le cœur se brise pour laisser échapper ces premières croyances de la jeunesse, pures de tout doute et embaumées d’illu-