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splendides, si paisibles en apparence, recouvrent l’incessante destruction, le meurtre, loi fatale de la vie. »

Et, pensive, elle demeura là quelque temps encore. Enfin, elle ferma la fenêtre, s’assit à son bureau, et pencha sur la feuille de papier blanche encore son front sérieux et doux. La vive clarté de la lampe inondait sa tête de lumière, et sur son visage, plein d’ombres et de lueurs, on eût cru voir les fluctuations de la pensée :

« Monsieur,

« Je suis plus ignorante que vous, et j’ai moins vécu ; mais je suis plus calme. Ce que je pense et ce que je crois, je vais vous le dire sincèrement, dans l’espérance de vous faire du bien.

« Il me semble, — je veux vous donner le nom d’ami, car nul acte ne saurait être plus affectueux que cette confiance qui vous a porté à me confier vos peines, et mon désir de vous aider ne l’est pas moins, — il me semble, mon ami, que la différence de nos jugements tient pour beaucoup à la différence de nos situations dans la vie. L’affection vous a manqué ; vous avez souffert tous les maux de l’isolement et de la persécution, tandis que, élevée dans les bras d’un homme supérieur par l’intelligence et par la bonté, j’étais entourée de doux soins, de bons exemples et de hautes pensées.

« J’ai trop oublié le mal et vous l’avez trop connu. Aussi ai-je favorablement jugé la vie, tandis que vous la condamniez trop sévèrement. Nous avons