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étendues que celles dont nos sens actuels disposent.

Confiante en cette chère inspiration évoquée, longtemps, la tête dans ses mains, les yeux fermés, elle se plongea en des méditations où plus d’une inspiration lui vint, crut-elle, d’une source chérie, d’un esprit plus mûr et plus éprouvé que le sien ne pouvait l’être.

L’après-midi s’avançait. Maintenant, une foule d’idées se pressaient dans l’esprit de la jeune fille, et elle avait hâte de les exprimer, quand Mme Arsène la vint prier de descendre pour une bonne qui se présentait. Cécile, vivement contrariée, descendit pourtant. Le mois de Mme Arsène allait expirer, et sa remplaçante n’était pas encore trouvée.

Plusieurs filles du pays étaient bien venues s’offrir ; mais toutes, quoique parfaitement inhabiles, émettaient des prétentions fabuleuses. Elles avaient entendu parler des Parisiens, du luxe de leur ameublement, qu’on exagérait, de leurs dépenses, si bien conduites par Mme Arsène, du prix des bonnes à Paris ; leurs têtes se montant là-dessus, elles couraient aux Grolles, enivrées de leurs propres rêves.

Tandis que les gages donnés au pays variaient de quatre-vingts à cent francs par an pour les capacités ordinaires, la plus petite vachère, interrogée sur le prix de ses services, réclamait effrontément vingt-cinq ou trente francs par mois. Cécile en riant les congédiait ; mais, pressée de se débarrasser des services hautains de Mme Arsène, elle commençait à s’effrayer de n’avoir personne. La nouvelle venue était une paysanne de vingt ans, pourvue de l’air de candeur le plus gauche et le plus naïf du monde,