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dont ils n’attendaient que de l’ennui, Lucien et Cécile avaient refusé d’y assister. Cependant cette résolution avait excité de tels cris dans la famille, qu’ils avaient paru céder, se réservant de fournir une excuse au dernier moment.

Le lendemain de la visite de Louis, cette lettre fut remise à Cécile :

« Mademoiselle,

« Pardonnez-moi la liberté que je prends de vous écrire. Vous m’avez marqué tant de bonté que j’éprouve un besoin irrésistible de vous communiquer les pensées qui m’agitent le cœur. Hélas ! je l’ai souvent éprouvé, ce désir de confier mes plus intimes sentiments et d’épancher dans le sein d’un ami tout ce qui brûle et dévore une âme solitaire. Mais j’étais seul, obligé d’étouffer mes cris de douleur pour qu’ils ne fussent pas accueillis par la raillerie. Pardonnez-moi, ce n’est point votre amitié que j’ai l’audace de vous demander ; je n’implore de vous qu’une réponse aux doutes qui me déchirent. Vous croyez à la vertu, à la justice, à l’amour ? Et moi aussi, j’y croyais autrefois. Si vous pouviez me rendre cette croyance, je vous devrais plus que la vie.

« Deux fois déjà vous m’avez dit : On ne doit pas haïr, mais toujours aimer. Eh ! savez-vous à qui vous parlez ainsi ? À un être dévoré de l’amour de ses semblables, et qui n’eût pas reculé devant les plus grands dévouements pour accomplir leur salut, ou seulement pour obtenir d’eux un sentiment pur, désintéressé. Mais je n’ai trouvé que des âmes