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son grand-père et défendue par le petit-fils, à grand-peine, contre l’avidité peu érudite de Gothon, autorisée de l’insouciance du vieux Pontvigail.

C’était donc de cette moelle de la pensée humaine, en travail de justice et de liberté, que s’était nourrie depuis quinze ans cette âme solitaire, brisée dans ses affections et soumise à un despotisme impitoyable. La tradition révolutionnaire lui manquant à partir de 93, Louis de Pontvigail l’avait continuée en lui-même par ses propres réflexions, nourries et activées par ses souffrances. En 1848, les idées qui firent explosion lui étaient déjà familières, et il portait dans sa tête un code tout entier de réformes, plus ou moins praticables, que lui aussi avait eu le naïf espoir de réaliser.

Cependant, la conversation ne se soutint pas très-longtemps sur ce sujet, où Lucien se montra presque indifférent, où Cécile était assez ignorante. Mais celle-ci eut le temps de comprendre la source de l’exaltation politique qui l’avait étonnée chez Louis de Pontvigail quelques jours auparavant. Elle put se dire aussi que cet homme, pour lequel d’abord elle n’avait éprouvé que de la pitié, était non-seulement un grand cœur, mais une intelligence active et hardie.

Quant à Louis, heureux de voir Cécile et de l’écouter, il oubliait l’heure. En suivant la direction des regards de Lucien, obstinément fixés sur la pendule, il comprit enfin sa faute et se leva. Il était plus-de onze heures.

Après qu’il fut parti :

« M. de Pontvigail me paraît un homme très-