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qu’il aimait ; mais toute son ambition n’allait pas plus loin que la voir et se faire accueillir d’elle comme un humble ami. Un autre à sa place, en se voyant pris d’une passion sans espoir, aurait songé sans doute à la combattre, à fuir. Louis n’y pensa même pas. De la prudence, lui, pour ne pas souffrir ! À quoi bon ? Regardait-il à cela ? Avait-il du bonheur à perdre ? Et dans sa vie morne, souffrir pour elle et par elle, n’était-ce pas pour lui être assez heureux ?

Par cette raison qu’il n’allait pas jusqu’au désir de plaire, il se trouva préservé de toute recherche et de toute affectation, dont l’eût éloigné d’ailleurs sa fierté. Il garda cette simplicité qui est la franchise extérieure des âmes droites et la plus vraie distinction. En entrant, il ôta son chapeau sans se courber, et Cécile, au premier abord, eut peine à le reconnaître, tant il se montrait différent, le front ainsi dégagé, la tête nue, de l’homme qu’elle n’avait vu jusque-là que sous le double éteignoir d’un bonnet et d’un chapeau.

Louis avait le front haut et couronné par cette noble proéminence qui signale en ce monde les chercheurs d’idéal ; ses cheveux noirs, rayés de fils argentés, par leurs masses onduleuses donnaient quelque grâce à ce visage énergique, où la douleur et la passion avaient creusé leurs empreintes. En se voyant regardé par Cécile d’un air de surprise, évidemment flatteur, il rougit comme un enfant.

C’était le soir, après le dîner ; Lucien était là.

Au bout de quelques instants :

« Monsieur de Pontvigail, dit Cécile, non sans un